• 03- E comme Equilibriste

    Six ans auparavant:

    Dans le silence de la nuit une lumière orange dansante clignote depuis une heure sur les murs de la chambre de Salomé, orientée vers la rue au fond de l’appartement. Il est probablement une heure du matin à en croire le réveil électronique qui projette ses lueurs fantomatiques au plafond.
    Salomé frissonna de froid puis de peur lorsqu’elle s’enfonça dans le couloir sombre qui menait à la chambre de ses parents pour les réveiller et leur demander ce qui se passait. Par la porte entrouverte de sa chambre la lumière orange projette ses rayons menaçants sur les murs et le plafond du corridor: elle se met à courir, trébuche sur son pyjama trop grand pour elle et s’affale de tout son long en hurlant. La moquette épaisse et molle étouffe son cri mais quelque part une lampe s’allume et une porte s’ouvre:
    - Il est tard retourne te coucher Salomé!
    - Mais maman j’ai peur! Il y a de la lumière dehors et j’arrive pas à dorme!
    - De la lumière? s'enquit Leia Kluster, perplexe.
    - Oui viens voir!
    Elle précéda sa fille dans la chambre et vit la lumière orange qui clignotait toujours sur les murs. Elle se pencha par la fenêtre et étouffa un juron en voyant un essaim de voitures de police garées en double file sur le boulevard:
    - Xavier! Il se passe quelque chose de grave la police stationne en bas de l’immeuble!
    - Quoi? fit le père de Salomé d’une voix pâteuse en faisant irruption dans la pièce.
    - Tu n’es pas sourd tu m’as très bien entendu! Je suis sure que c’est la Petsek qui a appelé la police pour dénoncer les Fedaya…

    31 janvier 2012:

    La sonnerie de onze heures tira brutalement Salomé de ses sombres rêveries. Tandis que ses camarades allaient prendre leur pause dehors, elle s’étira en baillant discrètement et cocha la date du 31 janvier 2012 dans son agenda. Déjà six ans que la famille Fedaya avait quitté la France.
    A midi elle rentra chez elle au lieu d’aller à la cafeteria et s’isola dans sa chambre avec un plat préparé et une canette de soda en guise de déjeuner. Elle ne voulait voir personne et envoya promener sa mère qui s’inquiéta de son état de santé. Elle fit pivoter l’écran de l’ordinateur qui dégoulinait toujours du message menaçant laissé par Anon_330. Elle n’avait plus envie de rien sauf de fermer les yeux et de dormir le plus longtemps possible. Allongée sur son lit les bras en croix elle songea avec regret qu’elle avait peut-être grandi trop vite. Elle était jalouse de toutes ces filles semblables à Honey et Alice qui avaient gagné leur succès et leur popularité en se construisant à leur rythme. Salomé avait été déclarée dès l’enfance soi disant précoce mais elle n’en tirait aucune fierté car elle estimait que sa précocité était la source de tous ses problèmes; Elle voulut vérifier ses mails mais se rappela que sa mère lui avait confisqué son IPhone en plus de lui couper l’accès à Internet sans lequel sa tablette tactile devenait inutile.
    Elle consomma son déjeuner sans appétit et se posta à la fenêtre pour contempler le boulevard en contrebas. “Il me suffirait de …” pensa t elle amèrement en regardant un groupe d’adolescents passer en pleine discussion. Elle ne sut jamais quel genre de pulsion la poussa à ouvrir les battants et à se pencher dangereusement par dessus le balcon. Avant qu’elle comprenne ce qui lui arrivait elle perdit connaissance en s’écrasant face contre terre sur le trottoir.
    Dessiné à gros traits le monde tournait autour d’elle semblable à une esquisse inachevée. Elle flottait dans un état second au milieu de nuages cotonneux. C’était agréable cette sensation de quiétude qui lui commandait de se laisser aller en abandonnant son corps.
    - SALOME !! Hurla quelqu’un de loin.
    Ce cri de désespoir trancha les parois de l’univers cotonneux dans lequel elle s’apprêtait à disparaître.
    - Tu ne peux pas… tu ne dois pas mourir maintenant!!!
    Salomé lutta contre la torpeur qui envahissait ses membres.
    - Je t’en prie…
    Son corps tressauta lorsque l’air emplit à nouveau ses poumons. Ses yeux s’ouvrirent brusquement et pleurèrent aveuglés par la lumière et la pluie. Ses muscles désordonnés protestèrent lorsqu’elle voulut lentement se redresser. Une silhouette masculine se découpait en contre-jour au-dessus d’elle. Lorsque ses yeux firent la mise au point, elle entrevit à travers les trombes d’eau un jeune homme vêtu d’un sweat noir et dissimulé derrière un masque de théâtre impersonnel. Anon_330 en chair et en os!


  • Commentaires

    1
    Polowings
    Jeudi 19 Juillet 2012 à 22:11
    Super chapitre ! Comment Salomé peut-elle savoir que c'est Anon_330 ? En tout cas je suis impatiente de connaître la suite :)
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