• Hakim ne tarda pas à se faire remarquer dès la pause déjeuner. A la cafétéria Honey insista pour le présenter à sa bande d’amis. Ce furent des gens charmants, garçons et filles qui accueillirent Hakim avec un enthousiasme sincère. Lui se sentait mal à l’aise à cause du comportement suggestif d’Honey qui ne cessa de lui faire des clins d’œil complices en jouant du pied en croquant l’air de rien dans son sandwich Ils le firent parler de ce qu’il pensait du lycée et des cours, de son passé puis Honey osa aborder la question de ses relations amoureuses :
    - Tu as quelqu’un dans ta vie ?
    Hakim sentit sa gorge se serrer. Il déglutit avec difficulté et avala une autre gorgée de Coca. Son silence intrigua Honey qui ne jugeait pas pourtant la question délicate dans la manière dont elle l’avait posée.
    - Je suis célibataire en ce moment, avoua t il dans un filet de voix au bord des larmes.
    Il vida son plateau et ramassa son sac.
    - On se voit tout à l’heure en cours.
    Alice se leva à son tour en fusillant Honey du regard.
    - Attends je t’accompagne tu n’as sûrement pas encore eu le temps de visiter le lycée.
    - Alice rien ne presse tu ne devrais pas le brusquer, Honey commenta.
    - J’ai besoin d’être seul. Je vais fumer une cigarette et je reviens pour quatorze heures.

    En écoutant le cours d’anglais d’une oreille Alice dévisagea Hakim à la dérobée avec curiosité. Il était penché sur sa feuille résolument déterminé à finir la première salve d’exercices de vocabulaire sans se préoccuper de ce qui se passait aux alentours. Son crayon à papier s’enfonçait profondément dans la trame du papier jusqu’à percer la feuille par endroits. Il était sans doute d’un tempérament nerveux à en juger par son étrange comportement mais il n’y avait pas de quoi paniquer pour quelques séries de mots à traduire d’autant plus que l’exercice n’était pas noté. Se sentant observé il releva la tête. Alice eut tout juste le temps de se retourner pour passer inaperçue. Elle se replongea dans sa feuille et fit semblant d’être concentrée sur un mot délicat à traduire. Elle s’était trompée sur toute la ligne : ce n’était pas de la nervosité mais une profonde détresse qu’elle lisait dans son regard, un désespoir sans issue et cela lui remplissait le cœur d’angoisse pour une raison indéterminée.
    Elle se tourna vers Honey qui écrivait avec nonchalance les réponses du dernier exercice d’une écriture d’artiste. Qu’avait elle dit ou fait pour le blesser à ce point ? Dieu sait elle ne posait jamais de questions tout à fait innocentes mais visiblement le célibat de Hakim était affaire hautement sensible. Alice soupira avec lassitude. A force de convoiter la quasi totalité des garçons du lycée Honey n’était pas délicate lorsqu’elle avait des vues sur quelqu’un en particulier au risque de s’en faire un petit ami si l’intéressé se laissait faire ou un souffre douleur si le malheureux s’aventurait à refuser ses avances. Hakim était bien parti pour intégrer la seconde catégorie malheureusement pour lui. C’était quelque chose que l’ingéniosité de Honey qui changeait de petit ami comme de chemise au gré de ses caprices. Quand la cloche sonna Hakim quitta la salle de cours d’un pas précipité avant qu’Alice n’’ait le temps de le rattraper pour lui parler en privé.
    Elle avait cinq minutes devant elle pour le retrouver et essayer de le ramener à la raison mais quelle raison elle ne savait toujours pas ce qui le perturbait au point de vouloir s’isoler face à lui même. La cour de récréation était déserte à cette heure et elle jeta un regard circulaire autour des bâtiments. Elle le découvrit recroquevillé au fond du préau au niveau du banc les genoux remontés contre la poitrine. Elle se dissimula derrière un pilier pour masquer sa présence et l’épier à la fois.
    - Tu veux me parler Alice ? Je n’ai rien à cacher tu sais.
    Alice sursauta et vint à sa rencontre avec un sourire avenant :
    - J’aimerais savoir ce qui te rend triste au point de te réfugier dans la solitude pour noyer ton désespoir.
    - Alors ça se voit tant que ça, n’est ce pas ? Nous avions tout pour devenir un couple heureux mais elle est partie parce que j’ai tout gâché entre nous et même les excuses que je n’ai eu de cesse de vouloir lui présenter elle n’a pas cessé de les refuser les unes après les autres. Je n’ai pas eu le courage de la retenir qu’elle était déjà partie trop loin. Loin des yeux, loin du cœur mais j’aurais aimé ne jamais avoir à comprendre pleinement le sens de ce proverbe.
    - Que puis je faire pour t’aider ?
    - Rien en toute honnêteté.
    - Tu devrais peut être parler à la psychologue elle pourrait t’aider.
    - Elle ne ferait que rester sans réponse à écouter mes malheurs
    - Peux tu m’en dire plus si ce n’est pas indiscret ?
    La cloche sonna le début du cours suivant.
    - Rejoins moi tout à l’heure au portail, on ira boire un verre au café d’en face ce sera l’occasion de discuter librement.

    Comme promis Hakim et Alice se retrouvèrent au niveau de la sortie et traversèrent le boulevard pour atteindre un petit café de quartier sans prétention. Ils commandèrent deux bières et s’installèrent à une table d’angle face au boulevard. Après un moment de silence Alice parla la première :
    - Tu peux tout me dire.
    - Je ne crois pas. Volontiers si je pouvais avoir la garantie que tu ne répéteras rien à tes amies et surtout pas Honey.
    - Après ce qui s’est passé ce midi tu vas être le centre d’attention de toutes les rumeurs et je ne veux pas que tu en subisses les conséquences collatérales.
    - La rumeur part et revient, au bout d’un moment je finirais forcément par retomber dans l’anonymat et puis je ne veux pas que des potins de couloir courent sur moi parce que quelqu’un va se mettre à poster des propos ou des photos compromettants me concernant sur Internet.
    - Je ferais en sorte que cela n’arrive jamais, après tout je suis déléguée de classe.
    - Les autres t’écouteront ou pas tu ne pourras empêcher personne de vouloir se moquer d’un nouveau camarade solitaire au comportement étrange.
    - Tu ne dois pas tendre la joue en te rabaissant ainsi Hakim. Tu vis apparemment un passage difficile en amour mais je suis sûre que tu es capable de remonter la pente d’une manière ou d’une autre. Tu as déjà eu le courage d’assumer tes erreurs en présentant des excuses.
    - Je me suis imaginé qu’une relation était possible mais non.
    - Dis toi qu’un amour de jeunesse est toujours un beau conte de fées qui s’éteint un jour ou l’autre et qu’il faut se tourner vers l’avenir au lieu de ruminer le passé pour voir le bon côté des choses.
    - A supposer que je sois trop rêveur ou trop idéaliste… Hakim soupira en buvant une gorgée de bière.
    - Juste amoureux j’imagine, Alice répondit avec un clin d’œil.
    - C’est que je manque d’expérience dans ce domaine alors.
    Alice haussa les épaules et chercha de la monnaie dans son portefeuille. Hakim arrêta son geste :
    - C’est moi qui paye la tournée, ce fut un plaisir de boire un verre avec toi.
    Alice rougit légèrement et chercha son agenda pour cacher sa confusion :
    - Je vais te donner mon numéro. Si tu as le moindre souci à l’avenir n’hésite pas à m’appeler car seul on reste sans réponse face aux situations et aux problèmes qui nous angoissent.
    - Tu ferais une bonne psychologue.
    - Je suis juste une déléguée de classe soucieuse de conserver l’harmonie et la cohésion au sein du groupe en essayant de régler pacifiquement les différends en amont et de pourvoir à la bonne intégration de tous les élèves. Je dis bien essayer car malgré tous mes efforts, il est parfois difficile de parvenir à maintenir une atmosphère de bonne entente entre tous.C’est pourquoi je n’ai pas cessé et je ne cesserais pas de te mettre en garde concernant Honey car son jeu favori est de briser les cœurs.
    - Je continue à croire qu’elle n’est pas si mauvaise que tu me l’as décrit au fond d’elle même.
    - Méfie toi, c’est mon meilleur conseil.
    Ils se levèrent et marchèrent le long du boulevard à la recherche d’une station de bus.
    - Au fait où habites tu ? S’enquit Alice.
    - Je vis seul dans un appartement pas très loin d’ici d’ailleurs. Du coup je viens en cours à pied.
    - Tu as de la chance.
    - En quelque sorte oui mais vivre seul et être solitaire ce n’est pas la même chose. En général je me retrouve face à moi même et je déprime à force de n’avoir personne à qui parler. Heureusement que le Web existe parce que sinon ma vie serait bien triste. Ainsi je peux rester en contact à distance avec mes amis et ma famille.
    - Ah bon ? Où sont ils ?
    - Ils sont restés au pays. Je suis revenu en France pour chercher un boulot stable qui me permette de vivre correctement. Là actuellement je fais des petits boulots par ci par là le weekend pour me constituer un niveau de ressources correct et payer mon loyer. Dans l’idéal j’aimerais revenir dans le passé, que tout soit comme avant mais c’est un rêve d’enfant depuis longtemps révolu.
    - Tu fais preuve d’une persévérance admirable pour quelqu’un qui n’a pas l’air de s’en sortir facilement tous les jours.
    Elle regarda son bus arriver au loin :
    - Dis toi que demain sera un jour meilleur et cesse de marcher à reculons vers le passé.
    - Je vais essayer tout au plus.
    Alice poussa la porte automatique du bus :
    - Nos chemins se séparent ici je dois rentrer tôt ce soir. On se voit demain à huit heures.
    - D’accord, à demain passe une bonne soirée.

    Le soir arriva vite. Salomé se plia sans broncher aux contraintes de la vie en internat qui composaient les exigences de la vie en communauté. Une heure de permanence était allouée aux élèves pour faire leurs devoirs et elle se révéla plus efficace que si elle s’était retrouvée chez elle devant son bureau avec son ordinateur à portée de main. Elle réalisa qu’elle se coulait peu à peu dans la foule des élèves. Au milieu des groupes bavards en permanence, de la file d’attente devant le réfectoire pour le dîner puis des filles de l’étage qui se pressaient dans la salle de bains commune les unes pour se démaquiller les autres pour se laver les dents elle passa inaperçue et redevint une fille anonyme, celle qui n’attire pas l’attention ni les moqueries comme elle l’avait été dans les premiers mois de sa vie de lycéenne quand elle venait d’arriver dans son ancien lycée. Une fille sans histoires un peu étrange, un peu solitaire qui si elle avait la chance de se faire davantage d’amis pourrait prétendre à une vie heureuse. D’un pas désenchanté et morose elle traîna sa valise le long du couloir et parvint avant de s’en apercevoir devant la porte de sa chambre.


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  • Personnages principaux:

    Salomé Kluster: héroïne de l'histoire.  
    Leia Kluster: mère de Salomé, femme au foyer.  
    Xavier Kluster: père de Salomé, architecte de son état.  
    Anon_330: Un parfait inconnu qui admire secrètement Salomé. Qui se cache derrière ce pseudonyme mystérieux? Un geek associal? Un simple lycéen? Un hacker en herbe? Ou plus si affinités?  
    Hakim Fedaya: un ami d'enfance de Salomé qui en est secrètement amoureuse mais était trop jeune à l'époque pour l'admettre. Jusqu'à ce jour fatidique où lui et sa famille ont quitté la France et ne sont jamais revenus depuis ...  
    Alice:  la meilleure et la seule amie de Salomé. Elle est également de loin en loin sa collaboratrice pour les graphismes de "A comme Arobase" mais ne porte pas autant d'intérêt que son amie d'enfance à l'informatique. Elle joue à la fois le rôle de l'amie d'enfance fidèle en amitié et de la grande soeur pragmatique et raisonnable.  
    Honey: Elle est l'autre meilleure amie d'Alice. Salomé et elle se détestent réciproquement. Contrairement à Salomé elle est tellement populaire que tous les beaux garçons du lycée n'ont d'yeux que pour elle.  
    Madame Pointcarré: la professeure principale de Salomé, d'Alice et d'Honey. Elle enseigne les mathématiques et mène ses élèves à la baguette.  
    June: il travaille comme contrôleur de train pour payer ses études. Il est également administrateur du site qui héberge A comme Arobase, C'est un dragueur invétéré qui va tenter de se rapprocher de Salomé mais celle ci va déjouer le piège qui se referme peu à peu autour d'elle en refusant progressivement de répondre à ses avances.  
    Julien Cérès: un ami d'enfance cher à Salomé qu'elle n'a pas revu depuis dix ans.
    Corentin Cérès: frère cadet de Julien qui ne peut pas supporter son grand frère considéré comme l'enfant prodige de la famille, quant à lui jeune adulte en crise d'adolescence tardive et étudiant moyen.
    Epoux Cérès: parents de Julien et Corentin, amis de longue dare des Kluster.

     

    Personnages secondaires:

     Madame Petsek: surnommée "la Petsek" par une majorité d'élèves elle exerce le poste de surveillante. Stricte et acariâtre elle ne supporte pas Salomé qui est en opposition à toute forme d'autorité.
    Monsieur Lambert: professeur de mathématiques.
    Arthur, Elisabeth, Isabella, Moriko, John, Joseph, Lawrence: amis et associés de June.


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