• Le dimanche soir le paysage télévisuel était d’un mortel ennui, seule une comédie romantique légère et insouciante se détachait du lot mais Hakim n’était pas d’humeur à partager cette joie et cette innocence. Dévasté il se recroquevilla sur lui même le front dans les mains, les genoux remontés contre le buste. Le cœur au bord d’imploser il éclata en sanglots et aurait bien été incapable de contenir ses larmes une fois de plus.
    Le plus douloureux était ce sentiment insurmontable de profond regret car malgré toutes les épreuves qu’ensemble lui et Salomé avaient surmonté pour se retrouver il nourrissait l’espoir secret de la voir revenir vers lui un jour. Elle l’aimait c’était indéniable mais ne mesurait pas combien cet amour était réciproque en retour et même bien au delà de ce que la raison pouvait envisager. Il l’avait blessée, elle le faisait souffrir davantage en feignant de l’ignorer alors qu’il lui avait présenté avec émoi ses excuses les plus sincères.Il sortit sur le balcon griller une cigarette. L’air du soir était calme mais en rien paisible propice à la mélancolie. Il sentait l’enfant triste et nostalgique remonter à la surface. Sa mémoire faisait ressurgir des souvenirs qu’il aurait préféré oublier.
    Ce terrible sentiment d’injustice lorsque la police était descendue à l’appartement en pleine nuit. La séparation forcée et le remords de ne pas avoir revu Salomé une dernière fois avant le départ. Se prendre d’affection pour une ville qu’il ne connaissait pas dans un pays où il se sentait étranger, un nouvel environnement dans lequel il allait grandir par la suite sans enthousiasme. C’était plus que ses nerfs ne pouvaient supporter et il s’abandonna à son chagrin intérieur en signe de reddition.
    Il s’effondra en travers de son sofa les bras en croix les joues brûlantes à force de pleurer. Il ne sut combien d’heures il resta prostré dans cette position au bord du gouffre. La caresse du soleil sur sa nuque le réveilla. Il se releva et fit face courageusement à son piteux reflet dans le miroir de la salle de bains. La peau de ses joues était tirée d’avoir trop pleuré. Ses yeux étaient gonflés et cernés de rouge, sans éclat. Il s’aspergea le visage d’eau glacée pour remettre ses idées en ordre et considérer rationnellement la situation et les possibilités de rédemption qui s’offraient à lui que ce soit pour tenter de reconstruire une relation stable avec Salomé ou admettre qu’ils n’étaient pas faits pour vivre ensemble.

    Salomé se réveilla à l’aube. Elle se doucha, s’habilla un peu plus soigneusement que d’ordinaire et se maquilla légèrement. Elle remit de l’ordre dans sa valise boucla son sac de cours et fut fin prête pour partir sur de nouvelles bases. Elle consulta ses mails en savourant son petit déjeuner. Elle se permit de sourire et elle en avait tout à fait le droit car June avait tenu sa promesse alors qu’ils se connaissaient à peine. En effet il l’avait promue modératrice de la section Nouvelles technologies et cela lui plaisait de rester en phase avec un univers familier au moment de sauter à pieds joints dans l’inconnu. L’internat n’était pas censé être un lieu angoissant mais chamboulait tous ses repères.

    Leia prépara le café pour deux. Xavier parut dans la cuisine en réajustant son nœud de cravate. Aucun des deux ne parla mais les mots étaient inutiles car chacun savait ce que pensait l’autre sans avoir à s’en enquérir verbalement.
    La radio annonça la venue des premiers soleils. 

    Bien que la plupart des élèves eussent été auparavant indifférents à la présence ou l’absence de Salomé, la chaise vide au fond de la salle de classe de maths à 8h leur laissa une drôle d’impression comme une sorte de nostalgie. Salomé avait ce côté atypique irremplaçable qui en faisait rire certains, laissaient d’autres indifférents ou éprouver de la compassion pour Alice qui connaissait Salomé mieux que personne dans le lycée. Quand à Madame Pointcarré elle n’avait plus le grappin sur sa proie favorite pour corriger les exercices au tableau.Globalement l’incompréhension surmonta tous les autres sentiments à l’égard de Salomé. Elle qui était petite travailleuse mais assidue n’avait pas l’habitude de s’illustrer par ses absences ou même ses retards.
    Mais l’ambiance n’était pas aux regrets car les conversations allaient bon train. La rumeur courait comme une traînée de poudre que la terminale ES1 s’apprêtait à accueillir un nouvel élève. Les spéculations les plus farfelues étaient de mise quant à savoir pourquoi il changeait de lycée au mois de mars, était ce un garçon ou une fille, quel genre de soirée d’accueil organiser pour lui souhaiter la bienvenue.. La cloche sonna. Tous les regards se tournèrent vers la porte. La directrice entra un dossier à la main qu’elle déposa sur le bureau de Madame Pointcarré en lui signifiant qu’il s’agissait du livret scolaire du nouvel arrivant.
    - Comme vous devez déjà le savoir compte tenu du niveau sonore de vos bavardages, je vous prie d’accueillir comme il se doit un nouvel élève dans votre classe.
    Un jeune homme au physique assuré entra à sa suite, vêtu d’un jean et d’un sweat noir. Il rabattit sa capuche en arrière et recoiffa ses cheveux noirs de jais en dévisageant d’un air désabusé l’assemblée qui lui faisait face :
    - Je m’appelle Hakim Fedaya.

    - Je m’appelle Salomé Kluster.
    Salomé rougit légèrement en faisant les présentations. Il était autrement plus intimidant d’être la nouvelle élève face à trente étudiants qui se connaissaient et travaillaient ensemble depuis sept mois déjà que de simplement passer au tableau. C’est presque comme si elle ne se sentait pas à sa place. Ses parents lui avaient promis que l’internat était une expérience épanouissante pour quiconque mais elle percevait davantage ce nouveau départ comme une sanction. Monsieur Lambert qui était à la fois son professeur de maths et son prof principal la fit asseoir au premier rang à côté d’Arthur la tète pensante de la classe au lieu de l’envoyer au fond alors que Salomé aurait de loin préféré ne pas être le centre de l’attention générale et aller s’isoler à une table solitaire où personne ne viendrait la déranger comme à l’ordinaire.

    - Bienvenue Hakim, va vite t’asseoir le cours va commencer, Madame Pointcarré déclara.
    Hakim parcourut la salle de cours du regard. Toutes les tables étaient occupées même au premier rang.
    - Il y a une table à l’écart au fond, si tu l’as rapproches suffisamment tu pourras aisément suivre le cours sans te sentir seul pour autant, lui souffla Honey à son passage.
    - Honey ! Siffla Alice presque sur un ton de reproche en la poussant du coude.
    Madame Pointcarré pencha la tête d’un air perplexe en dévisageant Alice :
    - Quel est le problème mademoiselle ?
    - Je suis la déléguée de classe madame et je ne tolère pas de moqueries à l’égard de camarades présents ou absents par d’autres camarades.
    Un ange passa. Interloqués tous les regards étudièrent Alice de la tête aux pieds attendant avec une crainte palpable la réaction de Honey qui ne manquerait pas d’être terrible. Honey afficha un petit sourire en coin satisfait :
    - Que dis tu là Alice ! Que suis je censée y comprendre ?
    - Va savoir. Mais j’ai des yeux et des oreilles partout même là où tu t’y attends le moins, gare à toi si tu prononces un mot de travers.
    Madame Pointcarré frappa dans ses mains comme si cela avait pu faire cesser comme par magie cette petite altercation :
    - Et si nous commencions le cours ?

    - Pour calculer le coefficient directeur de la fonction g(x) vous appliquerez la formule y= y(B)-y(A)/x(B)-x(A). J’enverrais quelqu’un au tableau pour calculer b.
    Le rythme fut moins soutenu et le niveau moins difficile que Salomé s’y attendait. Il faut dire qu’au retour des vacances d’hiver Monsieur Lambert aimait proposer à ses élèves quelques séances de révision pour s’assurer que les acquis demeuraient solides avec constance.La première heure passa plus vite que prévu et fut un succès pour Salomé qui put suivre plus facilement le fil des explications en posant des questions de temps à autre ce qui ne lui aurait pas effleuré l’idée si le professeur avait été la Pointcarré.

    Lorsque la prochaine cloche annonça l’heure de la pause, les élèves se dispersèrent pour profiter de la douceur des premiers jours du printemps. Honey fit le premier pas et vint donc à la rencontre de Hakim :
    - Tu viens ? Ne fais pas attention aux sautes d’humeur d’Alice elle est gentille au fond.
    Hakim pensa qu’elle devait avoir raison, après tout Honey et Alice semblaient en bons termes, comme dit le fameux adage qui aime ben châtie bien. Il s’engagea à sa suite sur la passerelle menant au fumoir où Honey et sa bande d’amis avaient l’habitude de se donner rendez vous pour griller une cigarette entre deux cours. Honey était rayonnante. Ses yeux pétillaient d’ingéniosité. Son sourire était solaire. Ses cheveux dorés comme les blés ondulaient nonchalamment le long de ses épaules. Elle en imposait rien que par sa présence qui n’en laissait aucun indifférent grâce à son charisme inné qui tenait pour l’essentiel à son regard magnétique mais un regard qui voulait tout dire sans détours. Même s’il l’avait voulu il n’aurait pas pu détourner les yeux de ses formes généreuses et de son déhanché dansant. Il était totalement hypnotisé par le charme sensuel de cette fille que pourtant il connaissait à peine mais avait l’impression d’avoir toujours attendu.
    Une main s’abattit sur son épaule pour le ramener à la réalité :
    - La prof aimerait te parler, déclara d’un ton abrupt la voix d’Alice dans son dos.
    Le charme était rompu. Il se retourna. Alice le dévisageait les poings sur les hanches et fit signe à Honey qu’ils les rejoindraient un peu plus tard. Hakim voulut protester mais Alice ne lui en laissa pas le temps et l’entraîna à l’écart par le bras.
    - Qu’est – qu’est ce que tu me veux ?
    Alice s’assura que Honey était à une distance suffisante pour ne pas les entendre et se tourna à nouveau vers Hakim :
    - Je tiens simplement à te mettre en garde. Honey est la fille la plus populaire du lycée et malheur à celui qui lui refuserait quelque chose car elle est suffisamment influente pour briser la réputation de quelqu’un d’un seul mot ou d’un seul geste. Garde les pieds sur terre et la tête lucide c’est le meilleur conseil que je puisse te donner ou tu succomberas en un rien de temps au chant des sirènes avant même de t’en apercevoir. Tu es soit son ami soit son ennemi et il n’y a pas de demi mesure. Tu comprends ce que cela signifie, n’est ce pas ?
    - Oui… enfin non je ne la connais pas assez pour juger.
    - Elle a le pouvoir de tourner n’importe quel paradis en enfer terrible. Rares sont ceux qui la côtoient qui connaissent un tel sort car ils sont prudents et savent à quoi s’en tenir à son propos mais de ceux et celles qu’elle a détruits beaucoup ont connu les abysses insondables de la solitude la plus amère. A toi de choisir ton camp, sachant que tu devras faire le choix qui semble le plus raisonnable à ta conscience tôt ou tard. Sache que toute offensive ayant recours à un concours de popularité ne fonctionne pas avec elle car d’une manière ou d’une autre elle gagne la partie à chaque fois quoi qu'il arrive. Une seule a essayé de lever l’étendard de la révolution pour protester contre l’attitude d’Honey mais elle s’en est mordu les doigts par la suite tant elle a souffert : la vengeance d’Honey a été terrible.
    Entendre ces mots laissa un goût désagréable dans la gorge d’Hakim qui se sentit soudain pris au piège. 

    A la pause Salomé sortit dans le couloir se dégourdir les jambes. Elle regarda la cour de l’internat par la fenêtre. C’était une cour large, ensoleillée où il faisait bon se détendre à l’arrivée des beaux jours. Mais seuls ceux qui avaient des amis, des vrais amis avec lesquels papoter et rigoler en toute insouciance pouvaient prétendre à ce luxe. Du moins pour l’instant elle ne bénéficiait pas d’un tel privilège. Elle pensa à June. Mais s’en faire un ami ou un collègue était chose différente : elle pouvait très bien exercer ses fonctions de modératrice sans jamais le rencontrer de nouveau ou seulement par écran interposé. D’autant plus qu’il pouvait disposer d’elle à tout moment selon son humeur ou ses caprices ou encore au moindre faux pas. Sa vie lui sembla bien morne et bien triste : que faire sans un cercle d’amis sur qui compter dans les bons comme dans les mauvais moments ?

    June prit son service à dix heures. Il pensa à Salomé en vérifiant les billets des uns, en remplissant les amendes des autres. Décidément cette fille était étrange mais avait un caractère intéressant. Il ne pouvait perçer à jour ses intentions mais il se doutait que quelque chose n’allait pas. Sa notoriété sur Internet et sa timidité dans la vie réelle n’étaient pas compatibles. Il fallait au plus vite que cette situation de paradoxe cesse, mais comment ?


    votre commentaire
  • Ce fut la dernière fois que leurs chemins eurent l’occasion de se croiser de nouveau. Il disparut de son champ de vision comme un souvenir lointain et elle ne devait jamais le revoir du moins avant longtemps. La dernière image qu’elle garda fut ce jeune homme adossé à la fenêtre baigné de soleil mais dont le visage était triste et décomposé comme la pluie.
    Une semaine passa qui fut riche en rebondissements. En effet Leia avait trouvé un internat abordable à une heure de train seulement. Cela allait permettre à Salomé de revenir tous les week-ends et pendant les vacances. Salomé dut ainsi quitter le lycée et se préparer à une nouvelle vie dans un environnement qui lui était complètement étranger. Là pas de détours ni d’entourloupes elle allait devoir apprendre la vie en commun et à se faire des amis réels. Elle n’était pas réellement asociale mais avait peu d’amis proches sur qui compter. Tout se décida en quelques jours et le dimanche suivant elle boucla ses valises avant le grand départ Ses parents l’accompagnèrent à la gare et la laissèrent seule sur le quai après s’être assurés que tout était en ordre et que le train arriverait bien en gare à l’heure prévue.

    Le trajet fut long et monotone mais pas pénible. Le wagon était rempli aux trois quarts et en quelque sorte la présence d’autrui autour d’elle était rassurante car elle se sentait moins seule. Par chance elle trouva une place équipée d’une prise électrique pour brancher sa tablette. Elle navigua sur Internet mais s’interdit de consulter A comme Arobase au cas où un simple coup d’œil ferait encore monter des bouffées de nostalgie qu’elle était bien incapable de maîtriser.
    - C’est elle j’en suis sûr !
    « Hum ? » Elle leva les yeux. Un groupe de jeunes, principalement des garçons étaient assis en carré dans la rangée opposée. Ils parlaient sans doute du dernier groupe à la mode ou d’une célébrité du Net qui faisait le buzz en ce moment et elle se replongea dans la contemplation d’un flux d’actualité sur les nouvelles technologies. Elle se surprit à faire mentalement une synthèse de sa lecture comme si elle se préparait à publier un article sur A comme Arobase.
    Elle soupira avec lassitude et croisa les jambes. Elle avait décidément tiré un trait plus ou moins définitif sur cette période de sa vie durant laquelle Hakim lui avait ouvert les yeux sur elle même. Pourtant elle éprouva un besoin irrépressible d’y retourner et tapa le nom du blog dans la barre d’adresses. Quelle ne fut pas sa stupéfaction lorsqu’elle regarda la page d’accueil se charger. Tout était redevenu comme avant. Intriguée elle accéda ensuite à l’interface d’administration. Rien n’avait changé, tout était intact, pourtant un article était signalé comme en attente de publication. Etait ce possible que … ? Elle cliqua sur le lien qui lui fut proposé pour le prévisualiser.

    « D’un disque dur à sa carte mère, d’un anonyme à sa muse qui se sont brisés l’un et l’autre à force de vouloir la lune et de ne pas écouter leurs cœurs à jamais blessés.
    Je n’’ai pas su te retrouver, tu n’as pas su m’écouter. J’ai voulu t’aider, en quelque sorte tu m’as rejeté. Je t’ai tant infligé, tu as tellement enduré. Le temps a passé, passe toujours et passera pour longtemps encore mais sans guérir nos blessures qui survivront à toutes les usures sans nous laisser d’échappatoires. Tout ce que je désire désormais et à jamais c’est écrire l’histoire et non pas l’Histoire, ensemble si seulement je pouvais encore espérer voir ce vœu exaucé.
    Mes regrets sont à la hauteur de mes remords et si je devais te demander pardon Salomé je serais prêt à m’agenouiller à tes pieds mais pas à te supplier, à assumer ma part de responsabilité mais si tu acceptes de changer, réapprendre mutuellement à se respecter.
    Si ce message te parvient sache qu’au delà d’une simple lettre d’excuses je tenais à te prouver qu’il nous reste encore une chance de tout recommencer mais seulement si tu le désires. Sache également que je t’attendrais le temps qu’il faudra mais lorsque le train partira en retard il sera déjà trop tard.
    Pour toi ma belle, ma douce Salomé je veux encore vivre bien des étés pour avoir de nouveau l’occasion de te rencontrer. »

    Que faire ? Salomé eut un moment d’absence ne sachant pas quoi décider. Hakim l’avait quittée et revenait sur sa parole peu de temps après : s’il tenait vraiment à elle il aurait proposé de rester bons amis au lieu de lui adresser une lettre d’excuses circonstanciée par écran interposé. Certes son repentir était sincère et honnête mais qu’en allait il de ses sentiments, que devait elle en conclure ? Voulait il la quitter ou rester bons amis, l’aimer ou l’apprécier ? Toutes ces questions tournèrent dans sa tête et la conduisirent à douter d’elle même. Pour chasser ces cogitations intérieures envahissantes elle brancha son casque pour écouter de la musique mais s’endormit rapidement bercée par le rythme cadencé du train couplé à la mélodie qui envoûta ses tympans.

    - Votre ticket mademoiselle !
    Elle sursauta et cligna des yeux. Vêtu d’un costume violet reconnaissable entre tous un contrôleur se tenait campé face à elle les bras croisés. Elle avait l’esprit encore embrumé et mit un moment à retrouver contenance :
    - De quoi ?
    - Je vous demande votre ticket.
    Salomé acquiesça mollement en fouillant dans son sac à dos. Elle l’extirpa de sous une pile de livres et grimaça. Etourdie comme elle l'avait toujours été elle avait complètement oublié de le composter à l’entrée du quai.
    - Euh, c’est à dire que…
    Deux options s’offraient à elle : soit elle était suffisamment chanceuse pour que le contrôleur valide son ticket et passe son chemin soit il était strict et trop zélé capable de lui dresser un procès verbal dans les règles de l’art. Elle pencha avec espoir pour la première possibilité, vit l’expression impassible peinte sur le visage du contrôleur et réalisa qu’elle allait avoir de sérieux ennuis. Elle opta pour l’alternative intermédiaire qui consistait à être honnête :
    - … dans ma précipitation j’ai oublié de…composter mon billet et je …
    Elle rougit consciente que tous les regards désormais étaient braqués sur elle. En cet instant elle aurait préféré ne pas être le centre de l’attention pour une fois.
    - Hé June, encore un coup de foudre à ton palmarès !
    « June ? » Salomé s’interrogea intérieurement. Ce nom lui était familier mais où… Elle bondit en arrière prise de court en pointant un doigt tremblant en direction de June:
    - Sérieusement, ce June ?
    L’intéressé la dévisagea avec un air perplexe. Salomé débrancha sa tablette d’un coup sec et pointa du doigt l’entête de l’interface d’administration au niveau du message de bienvenue. Le bien nommé June se permit un pâle sourire satisfait :
    - Ah ça, je vois où tu veux en venir. Oui je partage mon temps entre mon boulot de contrôleur qui me permet d’arrondir les fins de mois et ma position d’administrateur. Ravi de te rencontrer en chair et en os, Laisse moi deviner tu es…
    - Quel retournement de caractère! Il y a deux minutes tu voulais me coller une amende !
    - Oui c’est vrai mais plus maintenant ce serait inapproprié.
    Salomé retrouva son calme et sourit :
    - J’en ai vu d’autres. Au fait je devrais me présenter. Enchantée de faire ta connaissance appelle moi GG, GirlyxGeek ou Salomé comme tu préfères.
    - A moi de te demander si tu es réellement cette célèbre GirlyxGeek dont tout le monde parle sur le Net en ce moment.
    Salomé haussa un sourcil perplexe :
    - Vraiment ?
    - A moins que tu ne te sois exilée sur la planète Mars ces dernières semaines, n’es tu pas au courant des rumeurs à ton sujet qui courent sur la Toile comme quoi tu aurais conquis le cœur de ce redoutable Robin des bois des temps modernes hacker de renom connu sous l’identité d’Anon_330 ?
    - Quitte à défrayer la chronique parmi les sphères bien pensantes d’Internet je vais mettre fin à la rumeur d’emblée, oui nous avons entretenu une relation amicale jusqu’à peu.
    - Je suis désolé je n’aurais pas du en parler.
    - Pas du tout je n’ai pas honte d’assumer mes sentiments.
    June l’étudia du regard avec intérêt :
    - Tu as quelque chose de prévu ce soir ?
    - Pas que je sache, j’ai une réservation à l’hôtel par contre donc je dois aller la confirmer avant de décider quoi que ce soit.
    - Tu es une fille intéressante : tu as du caractère malgré ta timidité, du potentiel et déjà une certaine notoriété à travers le Net tu pourrais m’être utile. Viens chez moi ce soir après avoir réglé ces menues formalités, je crois que je devrais te présenter aux autres membres de l’équipe.
    Intimidée et intriguée à la fois Salomé accepta l’invitation sachant que June lui offrit la possibilité de la raccompagner à l’hôtel à l’heure de son choix.
    - Je suis rentré ! Lança June à la cantonade en franchissant le vestibule. Fais comme chez toi, ajouta il à l’intention de Salomé en la débarrassant de son manteau.
    Il la conduisit au salon. Avachies sur des poufs colorés, chacune un ordinateur portable dernier cri au creux des cuisses six personnes se tournèrent vers eux.
    - ‘Soir Ju, tu fais les présentations ?
    - Beth, Liz, Mo, John, Jo, Law voici Salomé. Salomé je te présente les membres de l’équipe : Elisabeth, Isabella, Moriko, John, Joseph, Lawrence.
    - Enchantée, répondit timidement Salomé avec un sourire.
    June lui assena une tape dans le dos :
    - Je ne te savais pas aussi timide dans la vie réelle.
    Salomé rougit légèrement. Elle n’avait pas l’habitude qu’un beau garçon de son âge à quelques années près lui témoigne des signes d’amitié complice. Sur ces entrefaites June s’empara d’un ordinateur portable posé sur le rebord du canapé.
    - Allez fais comme chez toi et viens t’asseoir.
    Il débarrassa le canapé d’une pile de feuilles imprimées et invita du regard Salomé à s’y installer.
    - En fait je t’ai fait venir ici parce que j’ai une offre à te proposer, une offre qui va t’offrir la vie que tu désires.


    votre commentaire